Jacques-Antoine Malarewicz, Repenser le couple, Le Livre de Poche, 2002.

Dès la première rencontre, on identifie chez l’autre, même inconsciemment, les modes de reconnaissance qu’il peut nous donner (confiance, reconnaissance). Mais, évidemment, il est aussi nécessaire d’identifier les modes de reconnaissance dont l’autre a besoin pour pouvoir les lui apporter. Un couple est donc un lieu de « qualification mutuelle« , selon J.-A. Malarewicz.

Ce terme technique et froid recouvre en fait toutes les attentions du quotidien au sein d’un couple. Sans cette reconnaissance réciproque des besoins de l’autre, la relation risque d’être parasitée par une accumulation de ressentiments et de violence non-dite.

Les modes de reconnaissance sont très différents selon les individus et sont liés à l’histoire de chacun. Dans le couple encore plus qu’ailleurs, nous héritons des modèles et des représentations de nos parents. Ces « guides secrets » restent bien souvent implicites et forment un point aveugle dans la construction de notre relation, même si l’on cherche à s’en prémunir. Car faire « comme » ou faire « contre », c’est toujours faire par rapport à l’autre et sous son influence.

Les modes de reconnaissance les plus courants passent par la sexualité, l’importance du temps partagé ou encore le partage possible des doutes et des souffrances. Mais d’autres, d’apparence plus anodine, peuvent être tout aussi importants.

Le couple construit ainsi une confiance mutuelle, essentielle pour traverser les crises inévitables qu’il rencontrera, à travers cette « qualification mutuelle ». Une confiance est créée et entretenue par cet échange réciproque qui est reconnaissance de l’autre comme alter, être différent, aimé dans sa différence. Exiter dans le regard de l’autre et savoir regarder l’autre et le reconnaître, entier, dans sa pleine différence.

Le couple est une danse

« L’art du partenaire d’un couple solide est d’accompagner l’autre dans ses imprévisibles variations, tel le danseur qui, pour garder le rythme, accorde sa cadence au pas inattendu de sa cavalière. Ce qui est important, c’est l’alternance des rôles sur la longévité du couple », écrit un autre psychanalyste, Jean-Daniel Nasio.

Ce qui tue une appauvrit et paralyse une relation, ce serait ainsi l’absence de souplesse dans les rôles.

Un couple figé est un couple en souffrance, selon Malarewicz, qui distingue schématiquement 3 types de relations au sein d’un couple.

Ces relations sont directement héritées de relations que nous vivons tous dans la cellule familiale, en tant que parent ou enfant. En cela, le couple est « un résumé des différents types de relations que nous sommes capables de vivre sous un même toit et sous la pression d’un même contrat. »

  1. Les liens père-fille et mère-fils
  2. Ce sont des rapports de protection : avoir besoin de la présence et de l’attention de l’autre. Ces liens sont nécessaires, mais deviennent problématiques quand ils sont exclusifs.

  3. Les liens frère-soeur
  4. Ce sont des rapports de complicité, de connivence qui permettent le partage d’activité et de liens comme l’amitié. Mais à s’imposer, ces liens risquent de complètement désexualiser la relation conjugale.

  5. Les liens amant-maîtresse
  6. La sexualité est le lieu de l’intimité la plus intense du couple qui s’impose dès le début de la relation. Mais, fragile, elle exige de constants efforts et une volonté mutuelle des deux partenaires pour réussir à rester amant et maîtresse et alimenter ce désir partagé, pareil à un feu sacré qui doucement crépite au centre de la clairière.

    C’est dans la succession et l’alternance de ces différentes relations, selon les moments et les besoins, que réside la solidité du couple. Paradoxalement, c’est donc l’instabilité de la danse qui offre au couple la possibilité de se réinventer en se surprenant.

Le « remariage » ou thérapie de couple

Quand Malarewicz reçoit un couple, il demande de prime abord à chaque partenaire, qui attend logiquement du thérapeute qu’il prenne parti pour lui contre son partenaire, forcément coupable : « A votre avis, qu’est-ce que vous reproche votre partenaire? »  Façon de responsabiliser chacun et de directement sortir des rôles figés qui paralysent le couple. Une amie thérapeute me confiait non sans malice qu’elle allait encore plus loin et posait comme question initiale : « Pourquoi vous êtes-vous choisis? ». Thanks for asking!

Leave a Reply