Magali Baton est médaillée aux championnats du monde de judo. Coach certifiée HEC, elle accompagne aujourd’hui les managers en entreprise et dispense des conférences dans lesquelles elle aide les entreprises à s’approprier les leviers de l’excellence et de la performance dans les mondes sportif et entrepreneurial. Nous l’avons rencontrée et lui avons demandé ce que les cadre-dirigeants pouvaient apprendre des sportifs de haut-niveau.

Gjc : « Qu’est-ce que le sport peut nous apprendre en terme de gestion de carrière ?

Magali Baton : Regarder du côté des carrières sportives présente un intérêt majeur : le temps est raccourci, accéléré en quelques sortes : sur 10 ans, on retrouve tous les éléments de la carrière habituelle dans le monde de l’entreprise, avec la recherche de l’excellence, les coups durs et les remises en question, les échecs et les succès, la fin de carrière, et bien sûr la reconversion.

Ce qui me parait intéressant, c’est que les sportifs de haut niveau se trouvent d’emblée confrontés à la réalité éphémère de leur carrière. Michel Platini a dit : « je suis mort à 32 ans, le 17 mai 1987. »

Les problématiques de deuil de carrière et de reconversion sont inhérentes à la vie de sportif de haut niveau, et leur expérience est une formidable source d’enseignements pour l’entreprise.

Gjc : Le contexte social et politique nous invite à réfléchir aux retraites et après carrière, mais pour les individus/salariés, pourquoi préparer l’après carrière?

Magali Baton- Si l’on regarde du côté du monde sportif, il est facile de faire le constat de la dichotomie des athlètes qui anticipent leur arrêt de carrière et des autres. Les conséquences sont d’ailleurs parfois tragiques pour les premiers. Je pense au cycliste Marco Pantani (mort d’une overdose dans une chambre d’hôtel), au rugbyman Marc Cécillon (condamné pour meurtre avec préméditation de sa femme) ou encore au karateka Mickaël Million (mort d’une overdose), parmi les cas les plus médiatisés.

L’autre catégorie recèle heureusement de belles réussites : la plupart des sportifs préparent leurs reconversions, en restant dans leur champs de compétences (Michel Platini, Laurent Jalabert, Jean-Claude Killy) ou en s’en émancipant (Yannick Noah -artiste, Jean-François Lamour -politique, Franck Mesnel –Eden Park).
Pour cette seconde catégorie, la fin (d’une carrière) n’est vécue que comme le début d’autre chose (une nouvelle vie/ carrière).

Gjc : Paradoxalement, si un salarié pense déjà à la fin de carrière, n’y a-t-il pas un risque pour l’entreprise qu’il se désengage de ses responsabilités au quotidien ?

Magali Baton- Il y a deux points essentiels à comprendre : en premier lieu, une carrière est faite de temps forts (les compétitions) et de temps de préparation (l’entraînement). Le moment clé est celui de la prise de conscience que penser à après n’est pas synonyme de « être après ». En d’autres mots, il s’agit de dépasser cette fausse croyance pour comprendre qu’anticiper l’avenir, c’est se permettre d’être dans le présent.

Ensuite, on constate que le sportif une fois « rassuré » sur son devenir, se trouve souvent libéré de cette épée de Damoclès, et peut s’investir pleinement de manière plus libérée et intensive dans sa pratique de fin de carrière. Les fédérations l’ont d’ailleurs bien compris, et favorisent la mise en place de conventions pour leurs athlètes (contrats liant ces derniers à certaines entreprises qui s’engagent à fournir une rémunération le temps de la carrière et assurer une formation spécifique le cas échéant, contre la jouissance de l’image du sportif).

Gjc : Quel est l’intérêt pour l’entreprise de consacrer du temps et des moyens pour l’avenir ?

Magali Baton- A question provocatrice, je réponds de manière provocatrice : aucun intérêt, et en même temps, tout intérêt : d’abord pour l’élément cité ci-dessus : un athlète/ salarié rassuré sur son avenir restera concentré sur son quotidien.

De plus, si économiquement l’investissement peut paraître a priori peu rentable, je pense qu’il en est tout autrement. Les fédérations, lorsqu’elles misent sur l’accompagnement de leurs athlètes en fin de carrière, ne le font pas seulement de manière désintéressée. Prenons l’exemple d’Aymé Jacquet, devenu un ambassadeur extraordinaire pour le football. Dans tous les séminaires auxquels il est invité, il parle football et FFF ! Même chose pour David Douillet avec le judo, Edgard Grospieron pour le ski ou Daniel Constantini pour le Handball. Une belle séparation crée de la loyauté et de l’engagement.

Nous nous trouvons ici dans du win/win, et de mon point de vue, les entreprises innovantes sont celles qui comprennent que cet accompagnement constitue une valeur humaine ajoutée.

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