”Qu’est-ce qui nous donne le plus le sentiment de liberté? L’oubli qu’on vous regarde.

Ne plus être ni enfant, ni vieillard, ni femme ni homme, ni père ni mère, ni fils ni fille.
[Les rares être libres] n’ont pas de regard collectif posé sur leur épaule.
[…] Au printemps la chaleur neuve du soleil libère les glaces. C’est la débâcle. La liberté est débacle.

[…] Est livre celui qui ne demande d’autorisation à personne. Est libre celui qui ne réfère à aucune instance.

Tout homme est une citadelle remplie de tyrans qu’il faut faire sauter.

Dis chaque jour en exerçant ton corps dans la musculation avant de l’offrir au massage et en exerçant ton âme dans la pensée avant de l’offrir au rêve :
— Non pas philosophe en apprentissage mais esclave en voie d’émancipation!

Addictus en latin désignait l’esclave pour dettes. Etre « émancipé » signifie être sans addiction.”

Pascal Quignard, La barque silencieuse, Folio Gallimard, 2009

A propos de La barque silencieuse, objet littéraire non identifié, Nathalie Crom écrit avec beaucoup de justesse : « Contes, discrets éclats autobiographiques, descriptions de paysages ou d’objets, méditations spéculatives, réflexions étymologiques et, bien sûr, et sans fin, réminiscences de lectures : Pascal Quignard ne s’interdit rien, juxtapose ses pièces comme on construit une chambre d’échos, faussement digressif, attentif à l’unité secrète qui organise ses chapitres et sa réflexion. »

(Telerama n° 3112 – 05 septembre 2009)

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