Le succès du livre de Michel Onfray sur Freud Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne relance un débat dont tous les coups sont pourtant connus tant la partie a déjà été maintes fois jouée. Pourtant la virulence des échanges (notamment la réaction haineuse publiée sur le site Médiapart par l’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco puis la réponse de Michel Onfray) invite à comprendre ce qui est au coeur de ce faux débat et de son succès public.

Freud, le crépuscule d'une idole

Il est en effet souvent bien difficile de s’y retrouver parmi les différentes psychothérapies. En premier lieu, il convient de distinguer 4 grands groupes de praticiens :

1/ Les psychiatres : environ 13 000 en France, ils sont médecins et soignent les troubles mentaux. 70% d’entre eux sont formés aux concepts de la psychanalyse.

2/ Les psychologues : environ 38 000, ils ont un niveau Bac + 5 et leur titre est protégé. lls ne sont pas forcément thérapeutes.

3/ Les psychanalystes : environ 5 000, ils ont suivi au moins 10 ans d’analyse, ont été supervisés et ont reçu un enseignement théorique reconnu par leurs pairs.

4/ Les psychothérapeutes : leur statut est en attente depuis la loi de 2004.


Sigmund Freud

L’enjeu principal qui traverse ces professions est d’ordre politique comme le prouve la loi de 2004 sur la réglementation de l’emploi du titre de psychothérapeute. La question qui court est la suivante : qui peut légitimement exercer la psychothérapie?

La loi 2004-806 du 9 août 2004 qui n’est pas encore effective dont le décret d’application est finalement paru le 20 mai 2010 dispose que le titre de psychothérapeute est réservé aux 3 premiers groupes listés ci-dessus (psychiatres, psychanlystes et psychologues) et aux professionnels pouvant justifier d’une licence, complétée par 400 heures théoriques de psychologie clinique et 5 mois de stage pratique.

Deux éléments ont mis le feu aux poudres :

1/ En octobre 2003, l’amendement Accoyer (du nom de l’actuel Président de l’Assemblée Nationale) qui propose la réglementation de l’emploi du titre de psychothérapeute.

2/ En février 2004, la publication du rapport d’expertise de l’INSERM intitulé “Psychothérapie, trois approches évaluées” qui conclut à une meilleure efficacité des TCC sur la psychanalyse.

Ce rapport ouvre une véritable guerre des Psys qui se déploiera notamment sous la forme de livres comme Le Livre noir de la psychanalyse en 2005, puis L’Anti livre noir en 2006.


S’y retrouver dans les approches psy

Il est nécessaire de distinguer les 4 grandes méthodes qui sous-tendent chacune des pratiques psychothérapeutiques, sans caractère exclusif et avoir conscience de leur influence :

1/ L’approche humaniste : Gestalt, Analyse Transactionnelle, ACP (Approche Centrée sur la Personne, de Carl Rogers), PNL (Programmation Neuro-Linguistique), etc.

2/ L’approche psychanalytique : Freud, Young, Lacan, etc.

3/ L’approche cognitivo-comportementale, avec les TCC (Thérapies Cognitivo-Comportementales)

4/ L’approche systémique : Ecole de Palo Alto

L’approche humaniste regroupe 40% des thérapies en France, l’approche psychanalytique 30%, puis viennent les TCC (20%) et enfin l’approche systémique (10%).

On ne peut saisir la vigueur du débat entre ces approches sans noter que c’est le critère d’efficacité qu’a choisi la loi de 2004 pour décider de la légitimité de l’exercice des pratiques thérapeutiques, alors même que ce critère répond à une vision idéologique de la thérapie. Au-delà du personnage de Freud et des secrets de famille honteux, c’est en fait un enjeu épistémologique qui est au coeur des rivalités – enjeu qui n’a rien de nouveau puisqu’il est contemporain de l’invention de la psychanalyse par Freud.

2 Responses to “S’y retrouver dans les approches psy”

  1. Kerisel Loïc dit :

    Votre exposé a le mérite d’être clair et devrait peut-être être mis à jour car la loi initiée par Accoyer est maintenant votée.
    Il m’interesse particulièrement car en plus d’être marié à une psychologue exerçant depuis 15 ans la psychothérapie (et qui s’apprète à ne plus s’appeler psychothérapeute), j’ai il y a quelques années laissé de côté l’ébénisterie pour être formé pendant trois ans à l’IRETT à la psychothérapie transpersonnelle. J’ai laissé cette formation en stand-by mais je me sers des outils de travail que j’y ai appris, notamment ceux concernant les états modifiés de conscience.
    Je suis assez sidéré par le pouvoir de l’institution médicale en France qui a joué un grand rôle dans le fait que seuls sont maintenant appelés psychothérapeute les psychiatres qui n’ont aucune formation obligatoire dans cette matière et qui surtout ne sont astreints à aucune supervision!..
    Des écoles françaises parmi les plus sérieuses comme Savoir-psy ou encore l’EPG sont tout simplement ignorées dans leurs revendications.
    Je fais un lien entre la toute puissance des médecins d’aujourd’hui et celle du clergé au moyen-âge.
    Mais je crois profondément que toutes les inquisitions, quelles que soient leur époque ou leur forme, n’arrêteront jamais l’humanité sur un chemin collectif de croissance par la connaissance de soi.

  2. admin dit :

    Merci pour ces précisions, vous avez parfaitement raison. Le décret d’application est enfin paru le 20 mai 2010, après plusieurs années de tergiversation au sein du ministère de la santé entre 2004 et 2008 (cf. le site de l’AFIS pour plus de détails : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1398). La proposition de loi finalement adoptée est disponible sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/11/propositions/pion2342.asp

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