« Je ne crains pas de vous dire que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir, ni connaître qu’en l’occupant. » En prodiguant ce conseil à son fils -qui ne régnera jamais en raison du trop long règne de son père-, Louis XIV souligne un élément essentiel : le pouvoir ne s’apprend pas.

Pascale Mormiche, "Devenir Prince. L'école du pouvoir en France XVIIe-XVIIIe siècle". CNRS Editions, 2009.Comment alors devient-on prince? Si le pouvoir le plus haut ne s’apprend que par l’exercice de la fonction, alors le prince doit naître prince. C’est le fondement même de la monarchie de droit divin, cette conciliation entre une légitimité transcendantale et un pouvoir laïque. Mais être légitime pour exercer le pouvoir revient-il à savoir exercer le pouvoir?



Apprendre à diriger
Si le Prince de nos démocraties modernes est le dirigeant d’entreprise, que doit-il apprendre et qui peut l’éduquer? Le Prince, comme le dirigeant, doit savoir s’entourer, mais Pascale Mormiche dans Devenir prince – L’école du pouvoir en France XVIIe-XVIIIe siècle en souligne toute la difficulté et les enjeux multiples, à travers les règnes de Louis XIII à Louis XVI.

Du surintendant au gouverneur, en passant par le précepteur et les -nombreux- autres membres du personnel, chacun joue son rôle dans l’éducation du prince, mais la modernité politique au XVIIe siècle remet en question le socle des savoirs : faut-il éduquer le prince par le savoir théorique, par la pratique et l’imitation, par l’initiation et l’exercice réel? Autrement dit, qu’est-ce qu’un bon prince?

Le dirigeant, nouveau Prince de la société contemporaine
Le coaching du dirigeant renoue avec ce paradoxe traditionnel. La complexité du pouvoir en entreprise rend vaine la prétention à apprendre à être dirigeant avant de l’être réellement. Au-delà des savoirs théoriques nécessaires traditionnellement dispensés dans les prestigieuses Business Schools, telles Wharton ou Harvard, c’est la question philosophique du pouvoir qui resurgit continuellement. Qu’est-ce que bien diriger? Comment être légitime et efficace? Comment résoudre les exigences contradictoires des différents stakeholders?

A ce titre, nous avons beaucoup à apprendre de Mazarin, Bossuet, Richelieu et des grands hommes qui ont entouré les rois de France et les dauphins. Comment ces conseillers eux-mêmes ne se laisseraient-ils pas aller, par ambition, à servir plus leurs intérêts que ceux du prince lui-même? Le pouvoir déforme, et Shakespeare dans Le Roi Lear nous met en garde contre l’illusion de se croire suffisamment sage pour réellement réussir à renoncer au pouvoir. Non sans paradoxe, le personnage du fou apparaît comme le seul en mesure de conseiller le roi dans la mesure où il se place hors des rets de l’hubris, de l’ambition démesurée.

Le reverse mentoring
Le reverse mentoring peut alors apparaître comme l’équivalent moderne de la folie pour faire face au paradoxe du coaching du dirigeant. Dans la tradition de l’humanisme de la Renaissance où enseigner, c’est apprendre, le dirigeant peut faire appel à un jeune mentor. Celui-ci, provenant d’une autre génération, l’inspire et le confronte dans sa vision du monde, et tel le fou, lui pose les questions qui dérangent, celles qui sont inacceptables et qu’aucun collaborateur ne peut imaginer formuler. Le jeune mentor déplace le dirigeant dans ses certitudes et lui offre un espace privilégié de doute. Si dans notre société du risque et de l’incertitude, il faut certainement être -un peu- fou pour être dirigeant, il faut aussi certainement l’être -un peu- pour pouvoir coacher le dirigeant.

Sources :
Pascale Mormiche, Devenir prince. L’école du pouvoir en France XVIIe-XVIIIe siècle. CNRS Editions, 2009.

One Response to “Comment coacher un Prince?”

  1. Edouard dit :

    Bonjour Grégoire,

    Dans les relations du Prince et du Mentor, ou du Dirigeant et de son Coach, le Prince doit développer son sens de la Responsabilité (dont la Responsalité Sociale d’Entreprise/ RSE), qui lui permet d’exercer son pouvoir de décision en prenat en compte les impacts sur l’ensemble des salariés. Il lui faut aussi développer sa cohérence personnelle, pour ne pas tomber démesurément dans le piège des jeux de pouvoir (manipulations diverses, séduction, toute puissance) qui sont le lot de l’exercice de l’Autorité. Le Coach doit être lui-même très clair dans sa propre expérience sur ces regiqstres, pour ne pas être instrumentalisé, pour de mauvaises raisons et de mauvaises causes, ce qui suppose pour lui une intégrité sans faille et une grande lucidité.
    A dispo, pour poursuivre la réflexuin sur ce thème,
    Edouard

Leave a Reply