Entre 2001 et 2004 s’est développé en Europe un arsenal juridique contraignant pour lutter contre les discriminations qui s’est traduit en France par la loi du 16 novembre 2001 et la création de la HALDE en décembre 2004 pour assister les victimes de discrimination.

Ce qui a changé depuis 2004, c’est que cette politique contraignante a été relayée par une démarche volontariste des grandes entreprises à la promotion de la diversité.

Le succès de la thématique de la diversité en entreprise (développement de « responsables diversité » dans les grands groupes, création du « label diversité » en 2008, etc.) s’explique par la redéfinition de la diversité : alors qu’il s’agissait à l’origine de réparer les injustices subies, on célèbre aujourd’hui la reconnaissance des différences pour leur contribution à la performance de l’entreprise.

Autrement dit, à la logique de lutte contre les discriminations s’est substituée une approche utilitariste de la diversité, analogue au phénomène de managérialisation du droit anti-discriminatoire aux Etats-Unis, qui a vu la transformation de la lutte juridique contre les discriminations en entreprise en « Diversity management » au début des années 90.



Une ou des diversités?

Pour éviter l’aseptisation actuelle et saisir la complexité des enjeux, quatre approches de la gestion de la diversité doivent être distinguées :

1/ Une approche en termes de justice sociale, qui touche à la discrimination et à l’’équité au sein de nos sociétés multiculturelles et exige une réflexion philosophique.

2/ Une approche en termes d’accès et de légitimité : la diversité s’entend alors comme diversification. La prise en compte de la diversité dans le « Talent management » par exemple, peut permettre à l’entreprise de mieux s’adapter aux problématiques actuelles d’un monde multiculturel.

3/ Une approche normative, qui fait de la diversité une valeur en soi. Cette idéologie héritée de la contre-culture ouest-américaine des années 60 voit la diversité comme une source de profit humain et économique : pas d’innovation sans diversité.

4/ Enfin, une approche éthique de la diversité, dans une logique utilitariste d’intérêt économique bien compris : la diversité favorise l’image interne (confiance, cohésion, etc.) et externe (RSE, marketing) de l’entreprise, et contribue directement à sa performance.



La prise en compte de cette complexité de la notion de diversité est décisive. Car si les premiers bilans de la diversité montrent que les politiques en entreprise sont d’abord élaborés en fonction de l’histoire de chaque organisation et de la sensibilité des salariés à certains axes particuliers (handicap, parité, etc.), ils soulignent du même coup le risque d’évitement (pratique) des catégories de « race » et d’ethnicité, pourtant au coeur des discriminations.

Comment prendre en compte la diversité, c’est-à-dire le besoin de reconnaissance de la singularité de chacun tout en respectant le souci d’égalité de tous devant la loi? C’est par cette formulation exigeante que la philosophie politique s’efforce depuis plusieurs années de penser le multiculturalisme et le déplacement qu’il entraîne sur nos façons de vivre ensemble.

A ignorer cette dimension éminemment politique qui est au coeur de l’enjeu de la diversité, l’entreprise risque de tomber dans les pièges du discours simpliste et alimenter une méfiance légitime où la confusion des enjeux politiques et économiques risquent de se retourner contre elle.



Sources :
Raisons politiques, n°35, août 2009 : Laure Bereni, « Faire de la diversité une richesse pour l’entreprise » : la transformation d’une contrainte juridique en catégorie managériale, pp. 87-106.
Management et Avenir, n°28 2009/8. Dossier « La diversité : premiers bilans ».
Patrick Savidan, Le Multiculturalisme, PUF, QSJ, 2009.

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Depuis plusieurs années déjà, le marketing a évolué vers une offre individualisée de produits qui se caractérise par une segmentation croissante adaptée à la singularité des clients. En revanche, ce qui est nouveau selon un article paru dans la revue scientifique Management et Avenir (n°28 2009/8), c’est que cette évolution se retrouve également au sein même de l’entreprise, dans la relation entre l’organisation et le salarié.

Revue Management et Avenir, n°28 2009/8

On parle alors de « marketing RH » pour traduire le besoin de personnalisation des pratiques de GRH (Gestion des Ressources Humaines). L’objectif pour l’entreprise est la satisfaction du salarié (sa “fidélisation”) afin d’optimiser les coûts du recrutement.

L’évolution des principes du marketing influence évidemment largement cette mutation de la GRH. A l’origine, le concept de « marketing » “désigne la manière d’effectuer des actes de gestion commerciale”, mais dès la fin des années 70 et du début des années 80, à travers l’influence de l’école suédoise de marketing industriel et l’école nordique des services, le concept d’échange est remplacé par celui de relationnel : le rapport entre l’acheteur et le vendeur devient plus important que le simple acte d’échange.

Si la période récente se caractérise alors par le renforcement de la prise en compte des besoins du client afin de créer une offre singulière, ce n’est que depuis une vingtaine d’années que l’analyse marketing ne restreint plus le consommateur à un être rationnel mais prend également en compte l’expérience plus personnelle du client potentiel, en faisant appel à ses émotions et à ses affects.

Dès lors, par analogie, il suffit de transposer les 4 types de personnalisations marketing en GRH : 
1/ la “personnalisation collaborative” (quand l’entreprise aide ses salariés à exprimer leurs besoins, par exemple dans l’élaboration du plan individuel de formation (PIF));

2/ la “personnalisation adaptative” (autonomie des salariés qui peuvent adapter les pratiques standardisées à leurs besoins spécifiques, par exemple avec les horaires individualisés);

3/ la “personnalisation cosmétique” (les mêmes services proposés sont présentés différemment en fonction des salariés, comme dans le cas des newsletters);

4/ la “personnalisation transparente” (des avantages uniques proposés à partir des préférences comprises du salarié, sans toutefois que le salarié intervienne dans le processus).

Au DRH de considérer alors quel type d’approche développer qui correspond le mieux à l’attente de ses salariés et à la politique de l’entreprise. Evidemment, le développement du coaching, en ce qu’il permet d’accompagner une personne afin de favoriser une meilleure expression de ses qualités et ressources, s’inscrit lui aussi dans les logiques de ce « GRH à la carte ».

Source : Management et Avenir (n°28 2009/8) : “Gestion personnalisée des Ressources Humaines : implications et enjeux”.

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