[…] Suite de l’article : « Altervision: comment devenir coach? (Lettre à un coach, 1/3) »

Deuxième pilier évident pour devenir coach : acquérir les bonnes compétences.

2/ Posséder des compétences :
Le coach est celui qui a des outils. Beaucoup d’outils. Il doit être riche, riche de compétences, en avoir beaucoup trop pour qu’il ne s’en soucie pas. Les outils sont absolument nécessaires et se former est indispensable. Mais peu importe l’outil : que ce soit la PNL, la Gestalt, les outils de créativité, l’approche rogérienne, l’analyse transactionnelle ou encore le MBTI, ce qui compte à mon sens c’est l’appropriation, c’est-à-dire paradoxalement la capacité à se libérer de son outil. L’outil ne doit pas être un obstacle entre le client et le coach.

Le jeune coach a tendance à se rassurer par son outil; il se coupe alors de ce qui se passe dans la relation. L’outil est un repère, un moyen, une évidence. Mais si le coach se pense technicien, il renonce à être artiste et ne permet pas à la relation d’émerger. La complexité pour le coach est de continuellement continuer à se former sans perdre de vue que l’outil ne fait pas le coaching.

Pour moi, il n’y a rien de plus triste que ces clients qui me racontent l’échec d’un coach à les aider parce que celui-ci ne possédait qu’un outil et que le client ne rentrait pas dans les cases qu’il avait apprises. Le coach est celui qui prend la mesure de la complexité humaine, c’est en travaillant à être humain, à plonger dans la complexité humaine et à être curieux de ce qui pourrait lui permettre d’aller toujours plus loin qu’il acquiert de réelles compétences.

Je suis d’accord pour dire que le coach est son propre outil si on entend par là qu’il maîtrise un certain nombre d’outils qui font partie de lui. (Pour ma part, je continue à me former continuellement : à la Gestalt à travers mes supervisions et des formations, aux outils de créativité (mind map, problem solvers, etc.) et aux outils RH (certification PerformanSe)



Le cadre d’un coaching
Le coach enfin a un cadre. Un cadre défini, assumé qui est un repère fixe pour le client. Le client peut juger le coach par ce cadre, le client peut être autonome parce qu’il a une référence partagée avec le coach. Cette référence est extérieure à la relation, il peut donc la remettre en question.

Le cadre est le contrat rationnel entre le client (coaché et prescripteur) et le coach. Le client peut à tout moment rompre le contrat. On me demande parfois si j’ai de l’influence en tant que coach, notamment sur des dirigeants amenés à prendre des décisions importantes. Si par influence on entend : « pouvoir sur mon client », je réponds sans hésitation : « Non, aucune ». Et ce n’est pas de la réthorique. Le coach a mon sens ne conseille pas, ne décide rien : il permet à son client de poser son désir en conscience de ce qu’il est. Il lui permet de prendre ses décisions de façon pleinement autonome, c’est-à-dire libre : en obéissant à la loi, la règle qu’il s’est donnée. (« L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », explique Rousseau au chapitre 8 du premier Livre Du Contrat Social).



Accompagner le client dans l’élaboration de ses valeurs
Le coach est simplement là pour aider son client à expliciter la loi (principes et valeurs, raison et ressenti) par laquelle il décide et se décide. C’est très décevant au regard des légendes de charlatanisme et des histoires de manipulation, mais il me semble que le coach ne travaille que sur le réel. Il aide à énoncer les fantasmes (au sens large d’illusions de soi) pour ne tenir compte que du réel. C’est là, je crois, que réside son efficacité première : aider son client à être ancré dans le réel.

Evidemment, ce cadre comprend pour le coach un espace de supervision. Sa déontologie repose sur son exigence à travailler constamment sur ses propres angles morts et ses propres illusions, pour ne pas parasiter le réel du client. On cite souvent la maïeutique socratique pour dire que le coach est celui qui sait qu’il ne sait pas, je ne peux être d’accord avec cette remarque que si j’explicite son corrolaire : le coach n’a pas le droit d’être ignorant.



3/ Connaître ses valeurs
C’est l’une des exigences qui m’a paradoxalement été la plus difficile. Il ne s’agit pas de savoir simplement énoncer ses valeurs, il s’agit d’être en pleine loyauté avec soi-même. On touche ici à la dimension éthique de notre être : pour quelles valeurs suis-je prêt à me battre? Où n’irai-je pas? Autrement dit, quel est le territoire de mon être et où est-ce que je risque de me perdre?

Il me semble que c’est dans l’expérience de la perte de soi, métaphoriquement : l’expérience de la descente aux Enfers, celle d’Ulysse dans l’Odyssée d’Homère ou d’Orphée dans les Métamorphoses d’Ovide, que peuvent émerger la loyauté vis-à-vis de soi-même.

Le coach est amené à être constamment coincé dans des demandes paradoxales, illusoires, sadiques, impossibles. Il ne peut être loyal que vis-à-vis de lui- même, comme me l’a si bien appris André de Chateauvieux. En dernière instance, c’est sa capacité à être ancré dans des valeurs qu’il assume en conscience qui lui permet de ne pas se perdre et de ne pas avoir peur de se perdre avec son client.



Coacher et être coaché
Du coup, au final, comment devenir coach? Etre coach, c’est, à mon sens, coacher et être coaché. Autrement dit, c’est traverser ses peurs pour accompagner son client depuis l’endroit où ça fait mal (le réel) et non depuis son illusion de puissance (le fantasme).

C’est apprendre par l’imitation, la transmission d’un art : l’artisan n’apprend pas dans les livres, le jazzman n’apprend pas sur les bancs d’école : être coaché, c’est faire un parcours avec un coach qui partage ses doutes et ses questions. C’est expérimenter, oser, avoir le courage de ne pas être parfait. Oser l’imperfection.

Le coaching ne relève pas de la perfection car le coaching est « humain, trop humain » pour paraphraser Nietzsche. L’art est imparfait, c’est dans cet inachèvement qu’il est beau. Devenir coach, c’est alors renoncer à une perfection (le vouloir bien- faire), s’autoriser à être imparfait de façon loyale, en congruence : être en accord avec ses propres valeurs dans ses décisions, et être à même de les expliciter.

En cela, il s’agit de courage : oser assumer son désir conscient et le poser comme sa vérité singulière, plutôt que dissimuler son désir derrière des règles, des outils, des principes posés comme vérité générale et universelle. Le coach doit être un modèle de loyauté vis-à-vis de lui-même, et, par conséquent seulement, vis-à-vis de l’autre.

>Suite : Comment devenir coach? (3/3)

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